

Dominique Sorrente est un ami ; parler d’un ami est sans doute difficile. Je vais faire semblant de ne pas en parler…
Je vais prendre le biais d’un propos sur son poème, cette Lettre en rebord du monde, que Dominique a souvent lu en public.
Cette lettre sans destinataire fait de nous tous son destinataire. C’est bien sûr Dominique qui nous l’adresse, Dominique, l’une de ses facettes… Elle dit l’émerveillement ; elle dit la fragilité ; elle dit la nécessité de survivre ; elle dit les forces qui nous perdraient ; elle dit la présence et l’absence ; elle dit comment les deux sont nos points d’équilibre ; elle dit la chute possible.
Cette lettre est d’un enfant adulte, ou d’un adulte enfant. En cela, évidemment, elle trouble.
C’est cette force-là que j’ai tenté de dire.
Lettre en rebord du monde
Aux jeux de billes, on perd
cet équilibre sauvage car celles-ci
nous échappent et plongent de l’autre côté
du rebord du monde
Si recommencer pareil à hier
revient à jouer avec le feu
incendier la terre
( et ensuite prier les dieux )…
je me penche, un peu
(peut-être trop )
pour savoir ce qui se passe
de l’autre côté.
J’emprunte des figures oubliées,
la géométrique caduque
du corps
aspirant à la géométrie
mais je n’arrive qu’au fil
dévidé à l’infini
des obliques fuyantes
incapable de rattraper l’asymptote…
J’oscille en permanence,
j’essaie de me rappeler
des silhouettes oubliées
funambule incertain
d’un monde au rebord flou
mais je t’attendrai
sans avoir peur de tomber
penché sur mon ombre pâle
( étant déjà de l’autre côté…)
–
RC