Intime nudité et autres brutalités

A Fabrizio Zollo, photographe, Pistoia, Toscane (présent sur Facebook et Instagram)

J’ai écrit cet ensemble pour une exposition de photographies de nues de Fabrizio Zollo aux Jardins rêvés De Giacomina Dussol et Laurent-Xavier Cabrol à Oppède le vieux (Vaucluse), en juillet 2018.

Intime nudité et autres brutalités


L’Intimité
Je suis entré par effraction et je t’ai vu nue dos au mur
Blanc éclatant de lumière
Vindicative comme
L’aigre sentiment que porte le vent certains soirs d’automne
Quand l’amertume et la belle douceur s’en sont allées
Feindre une entente nouvelle
Avant la franche contrariété

La Nudité
Il n’est pas permis d’en douter
Il n’est pas permis d’en parler
Il n’est pas permis de l’oublier
Il n’est pas permis de la découvrir
Ni de la recouvrir
Il n’est pas permis de la remarquer
Il n’est pas permis de la souligner
Il n’est pas permis de l’effleurer
Il n’est pas permis de la dire
De la suivre
De lui sourire
D’en souffrir

La Brutalité
Elle bouscule vient de nulle part
Saisit mille corps d’un regard droit dur
Elle s’attache à ne rien dire à n’être belle
Elle s’abstient du moindre geste inutile
Se tient strictement dans l’espace propice aux confrontations

Les Corps
Je me situe d’un corps à l’autre avec une étrange difficulté
Corps si proches tous entre eux que j’égare peut-être le mien
Que j’emprunte possiblement un corps tout autre
Pour mes allées et venues de-ci de-là
Ces corps qui tous m’étonnent sitôt nus
Car si peu nus de par les rues de par les champs
Ces corps si peu de seule peau simplement vêtus

Les Visages
Il y a dans les visages toute l’humanité
L’homme ses milliards de dispositions
Ses milliards d’autres hommes
Pour d’autres et mêmes vies
Qui peuplent d’autres mondes
Qui sont ce monde aussi

Femmes
Elles vont toujours vêtus de nu
Outrageusement femmes
C’est-à-dire précisément nécessaires à notre humanité
Elles sont par la grâce des mots seulement elles-mêmes
Quand l’homme est leur pendant ou un être incertain
Je suis donc l’un des autres
Et je l’oublie le plus souvent

La Sexualité
Dans son aspect clinique et biologique elle m’effraie
Elle est une chose froide soumise à l’impérieux besoin d’enfants
Au mime bienheureux par réitération de la reproduction
J’avoue y prendre goût
Pour autant sexualité m’effraie je le redis
Car je lui sens collée aux lettres une vilaine proximité avec brutalité

L’Amputation
C’est bien la plus brutale la plus furieusement inimaginable
Des provocations
La plus insensée la plus inenvisageable
Des destructions
De nous-mêmes à vous-mêmes
Comment être ce moi non plus tout à fait moi
Comment être ce vous non plus tout à fait vous
Comment ne pas être avant tout ce manque
Un vide en expansion tueuse
Et très vite le rien


La Froideur
La froideur est de toutes les morts
Cadavérique à l’évidence
Accompagnée du très sérieux raidissement
Elle est de celles qui prolongent le crève-cœur de haines dures
En embellit de cruauté l’intensité du mal
Elle saigne sans violence stricte celui qui s’y confronte
Elle assigne aux résidences suintant de peu de vie
Elle tue sans le dire


La Peau
Si je touche ta peau
Tu sens ma peau
Presque nos âmes
Nous plus que jamais présents
Plus que jamais vainqueurs de tous les songes
De tous les calmes et les désirs
Qui s’en viennent fleurir les blés de rouge
Sang de pétales battant la campagne et nos corps


Le Regard
Sans lequel il n’est rien
quand bien même la peau
quand bien même le sang
quand bien même le battement le fròlement
Le regard l’un vers l’autre
Le regard vers soi-même
Plus que la vérité son sentiment
Cet extérieur mesureur de vertiges qui agrippe te fusillant les tempes
Le regard que tu feins d’ignorer
mais que tu sais fiévreux de ta propre fièvre
Fièvre d’anecdotes passagères entrevues à l’instant de ton envol
Soudain plus nu que toute vierge
Plus apte au stupre que le vent naissant
Aveugle par nécessaire bienséance
J’ai vu hier celui qui confié au désert parlait comme s’il y eut une foule

La publication a un commentaire

  1. Fabrizio Zollo

    Merci Olivier, tes poèmes sont magnifiques et en disent plus que mes photos ne disent.

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